La «nouvelle» orthographe
L’ORTHOGRAPHE, comme tout phénomène humain, évolue. Qui écrit encore Thibet ou poëte comme au XIXe siècle, ou poële comme au XXe? Nous avons encore connu, plus récemment, l’apostrophe de grand’mère ou grand’place que rien ne justifiait. L’orthographe rectifiée de 1990 n’apporte pas beaucoup de changements, mais élimine beaucoup l’arbitraire de certaines graphies.
Cette page est inspirée de L’essentiel de la nouvelle orthographe de l’APARO (Association Pour l’Application des Recommandations Orthographiques) et un autre site sur l’orthographe recommandée.
1. Accents • 2. Mots composés • 3. Accords • 4. Moins de doubles consonnes • 5. Autres rationalisations
1. Les accents
Le grand principe est que l’orthographe soit la plus proche de la prononciation.
1.1 L’accent aigu
Tout e prononcé fermé est dorénavant écrit é : artéfact, asséner, bésicles, braséro, caméraman, candéla, chéchia, chichekébab, critérium, délirium trémens, démiurge, diésel, duodénum, édelweiss, gélinotte, imprésario, jéjunum, légato, média, méhari, mélimélo, mémorandum, pérestroïka, péséta, péso, phylloxéra, piéta, placébo, québécois, rasséréner, référendum, révolver, satisfécit, scénario, sénestre, sénior, séquoia, sombréro, spéculum, téléfilm, trémolo, vadémécum, vélum, véto…
1.2 L’accent grave
1.2.1 Les e prononcés "è" sont écrits comme tels : papèterie.
1.2.2 Devant une syllabe muette, le e accentué est maintenant écrit è : cèleri, dussè-je, évènement, règlement, mènera…
1.2.3 Par exception au 1.2.2, le «é» est maintenu sur :
- les é initiaux : échelon, édredon, élever… sauf ère et Ève
- les préfixes pré~ et dé~ : prévenir, détenir…
- médecin et médecine
1.2.4 Les futurs et conditionnels des verbes en é_er utilisent un accent grave avant la syllabe muette : préfèrera plutôt que préférera ; règlera plutôt que réglera.
1.3 L’accent circonflexe
1.3.1 L’accent circonflexe sur le «i» et le «u» est conservé sur les terminaisons :
- des première et deuxième personnes du pluriel du passé simple : nous vînmes et voulûmes, vous vîntes et voulûtes
- de la troisième personne du subjonctif imparfait : qu’il vînt et voulût
1.3.2 Disparition systématique (sauf 1.3.1) de l’accent circonflexe du «î» : abime, épitre, naitre, paraitre, plait, etc. C’est cette règle qui a la plus grande incidence sur la réécriture d’un texte en orthographe réformée.
1.3.3 L’accent circonflexe disparait également (sauf 1.3.1) de la voyelle u : aout, cout, piqure, etc. Les exceptions concernent les couples d’homographes à distinguer : mur·s (parois) et mûr·s (à point) ; jeune et jeûne (abstinence de nourriture ; «crois», «croit», «cru» (de croire) et «croîs», «croît», «crû» (de croitre) ; du (article contracté) et dû (de devoir) ; mu (lettre grecque) et mû (de mouvoir) ; sur (prép.) et sûr (certain)…
1.3.4 Les dérivés des mots distingués ne portent pas l’accent circonflexe : mure·s (baies), murement (de façon réfléchie) ; sure·s, surement ; déjeuner et jeuneur…
1.4 Le tréma
1.4.1 Il est porté par le u plutôt que par le e ou le i : aigüe, ambigüe, argüer, cigüe, continüité, exigüe…
1.4.2 Le tréma est maintenant utilisé pour faire ressortir le son /y/ («u» français) du groupe «geu» : bringeüre, gageüre, mangeüre, rongeüre et vergeüre.
2. Mots composés
2.1 Avec trait d’union
Le trait d’union est conservé :
- généralement (voir exceptions au 2.2) entre le verbe conjugué et le substantif objet direct : abat-jour, bat-flanc, compte-fil, crève-cœur…
- à-, après-, hors-, in-, sous- (sauf soustraire) : à-pic, après-midi, hors-jeu, in-quarto, sous-verre
- les composants d’un nombre sont reliés par des traits d’union : soixante-sept-mille-huit-cent-quatre-vingt-cinq.
2.2 Soudure
La tendance est à la soudure des mots composés. Le substantif final est toujours au singulier («vanupied»), et porte seul le pluriel («vanupieds»).
Sont écrit·e·s en un mot :
- quelques exceptions à la règle du trait d’union entre verbe et objet direct (2.1) : couvrepied, croquemitaine, croquemonsieur, croquemort, porteclé, portefaix, portemine, portemanteau, portemonnaie, porteplume, portevoix, tirebouchon, tirefond, tirelarigot (à ~)… «passées dans l’usage».
- les mots commençant par auto, contr(e), entr(e), extra, infra, intra, milli, mini, néo, pseudo, psycho, socio, ultra… Le trait d’union doit néanmoins être maintenu pour éviter une mauvaise lecture, comme pour auto-intoxication et contre-ut.
- les mots terminant par «tout» : brisetout, faitout, fourretout, mangetout, passepartout, risquetout…
- les expressions issues d’un redoublement : bouiboui, coupecoupe, grigri, passepasse, poussepousse, traintrain… dont les onomatopées : blabla, coincoin, froufrou, tamtam, tsétsé…
- les expressions d’origine anglaise : barman, baseball, basketball, blackout, bluejean, covergirl, cowboy, fairplay, football, gentleman, handball, hotdog, jazzman, lockout, offset, pipeline, rugbyman, striptease, underground, volleyball, weekend…
- les substantifs issus d’expressions latines : apriori, exlibris, exvoto, facsimilé, statuquo…
Ces expressions sont écrites en un mot : arcboutant, d’arrachepied, bassecour, boutentrain, branlebas, chauvesouris, cinéroman, à clochepied, en contrebas, en contrehaut, entretemps, globetrotteur, harakiri, hautecontre, hautparleur, jeanfoutre, lieudit, mélimélo, millefeuille, millepatte, millepertuis, ossobucco, parabellum, pêlemêle, pingpong, piquenique, platebande, potpourri, prêchiprêcha, quotepart, sagefemme, saufconduit, supernova, téléfilm, terreplein, tictac, tohubohu, tournedos, vanupied, weekend…
3. Les pluriels
3.1 Le pluriel des mots composés
Les mots composés prennent un s en fin d’expression : un abat-jour, des abat-jours ; un tirebouchon, des tirebouchons ; un boutentrain, des boutentrains ; un vanupied, des vanupieds.
3.2 Expressions invariables
Quelques expressions restent invariables, comme trompe-l’œil, trompe-la-mort, prie-Dieu…
Des noms venant de citations comme requiem sont invariables.
3.3 Les pluriels d’origine
Les expressions étrangères ou d’origine latine ne sont plus astreintes à leur pluriel d’origine :
- ~a / ~as : addendas, médias, novas, supernovas (plutôt que supernovae)
- ~ch / ~chs : brunchs, lunchs, matchs, ranchs, sandwichs, scotchs, sketchs, speechs (plutôt que speeches)
- ~i / ~is : cannellonis, confettis, lazzis, macaronis, raviolis, spaghettis, zakouskis
- ~o / ~os : imprésarios, légatos, lentos, pizzicatos, scénarios, solos, sopranos, tempos (plutôt que tempi)
- ~or / ~ors : conquistadors, matadors (plutôt que matadores)
- ~s / ~s : des boss, des miss (plutôt que misses)
- ~us / ~us : nævus, des stimulus, des tumulus (plutôt que tumuli)
- ~sh / ~shs : crashs, flashs, krachs, rushs, smashs (plutôt que smashes)
- ~um / ~ums : curriculums, erratums, minimums, maximums, oppidums, optimums, parabellums, sanatoriums, symposiums (plutôt que symposia)
- ~x / ~x : des box, des fox (plutôt que foxes)
- ~y / ~ys : cherrys, ferrys, hobbys, lobbys, penaltys, whiskys (plutôt que whiskies)
- ~z / ~z : goys, des kibboutz (plutôt que kibboutzim)
- et encore : goys (plutôt que goyim) lieds (plutôt que lieder), leitmotivs (plutôt que leitmotive)
3.4 Les pluriels dans les nombres
Statuquo concernant les nombres. «Mille» reste invariable, et les pluriels de «vingt» et de «cent» restent notés s’ils terminent l’expression :
- trois-cents
- trois-cent-quatre-vingts
- trois-cent-quatre-vingt-neuf
3.5 Accord du participe passé
Rien ne change sauf pour l’expression «laissé + infinitif» : les oiseaux que tu as laissé échapper.
4. Suppressions de doubles consonnes
4.1 Verbes en ~eler et ~eter
Les verbes en ~eler et ~eter abandonnent le redoublement : détèle plutôt que dételle, amoncèle plutôt qu’amoncelle, ainsi que pour les adverbes en ~ment. Exception pour les verbes des familles de jeter («jette», «interjette»), et appeler («appelle», «rappelle»).
- les verbes en ~otter (sauf botter) ne prennent plus qu’un t : bouloter, cachoter, frisoter, garroter, greloter, mangeoter, margoter et rouloter.
- les substantifs en ~ole ne prennent qu’un l (sauf colle, folle et molle) : barcarole, barquerole, bouterole, corole, fumerole, girole, grole, guibole, mariole, moucherole, muserole, tartignole, tavaïole et trole.
5. Autres rationalisations
L’orthographe est normalisée, notamment pour les dérivés :
- absout plutôt qu’absous (participe passé masculin d’absoute)
- appâts plutôt qu’appas (charmes, d’appâter)
- assoir, rassoir, sursoir plutôt qu’asseoir, rasseoir, surseoir
- bizut plutôt que bizuth
- bonhommie plutôt que bonhomie (de bonhomme)
- boursouffler, boursoufflure plutôt que boursoufler (de souffler)
- cahutte plutôt que cahute (comme hutte)
- charriot plutôt que chariot (comme charrette, charrue…)
- chaussetrappe plutôt que chausse-trape (comme trappe)
- combattif plutôt que combatif (comme combattant)
- courbatture plutôt que courbature (comme battu)
- cuisseau plutôt que cuissot (diminutif de cuisse)
- déciller plutôt que dessiller (de cil)
- dentelière prononcé tel, plutôt que dentellière
- dissout plutôt que dissous (participe passé masculin de dissoute)
- douçâtre plutôt que douceâtre
- embattre plutôt qu’embatre
- exéma plutôt qu’eczéma
- guilde plutôt que ghilde
- innommé.e plutôt qu’inommé.e (terme juridique)
- imbécilité plutôt qu’imbécillité (d’imbécile)
- interpeler plutôt qu’interpeller (comme appeler)
- joailler plutôt que joaillier
- levreau plutôt que levraut (diminutif de lièvre)
- lunetier prononcé tel, plutôt que lunettier
- nénufar plutôt que nénuphar (d’origine persane et non grecque)
- ognon prononcé tel, plutôt qu’oignon
- pagaille plutôt que pagaïe ou pagaye
- persiffler plutôt que persifler (de siffler)
- ponch prononcé tel, plutôt que punch (pour la boisson)
- prudhomme plutôt que prud’homme
- prunelier prononcé tel, plutôt que prunellier
- quincailler plutôt que quincaillier
- relai plutôt que relais
- saccarine plutôt que saccharine
- sconse plutôt que sconce, skunks ou skungs (putois)
- serpillère prononcé tel, plutôt que serpillière
- sorgo plutôt que sorgho
- sottie plutôt que sotie
- soul plutôt que saoul
- stoupa prononcé tel plutôt que stupa
- tocade plutôt que toquade
- ventail plutôt que vantail (de vent)
6. Correcteurs orthographiques
Grammalecte sur LibreOffice
Pour installer Grammalecte, télécharger l’extension OXT sur Grammalecte. Ensuite, depuis LibreOffice, Outils » Gestionnaire des extensions, cliquer le bouton Ajouter et récupérer le fichier OXT téléchargé. Le nouveau menu «Grammalecte» apparait à droite d’«Outils».
Si un dictionnaire orthographique existe déjà sur LibreOffice, il faudra peut-être le redésigner, voir point suivant.
Réforme 1990 sur LibreOffice
Outil » Langue » Dictionnaires supplémentaires en ligne permet d’installer de nombreux dictionnaires orthographiques (même le grec ancien), à condition d’être connecté à Internet.
Outil » Langue » Dictionnaire orthographique français permet le choix entre quatre dictionnaires français : «Moderne», «Classique», «Réforme 1990» (qui n’accepte que l’orthographe réformée de 1990) et «Toutes variantes».
L’adresse des dictionnaires, pour l’utilisateur toto, est /home/toto/.config/libreoffice/4/user/additions/. Il s’agit d’une implémentation particulière des dictionnaires hunspell, qui n’interfère pas avec les dictionnaires hunspell installés par le système pour d’autres éditeurs.
Si grammalecte a été installé (voir point précédent), c’est Grammalecte » Option des dictionnaires qu’il faut activer.
Attention : l’autocorrection (Outil » Autocorrection » Pendant la frappe) risque de modifier un mot «réformé» en «classique» (connaitre en connaître). La fenêtre qui permet l’édition de l’autocorrection (Outil » Autocorrection » Options d’autocorrection) devient extrêmement large au fur et à mesure que l’on modifie les entrées (bug de Libreoffice 7.4.7.2), et supprimer l’autocorrection est dommage, (-- vers ―, ' vers ’, espaces non sécables avant : ; ! ?). Il faut donc éditer un fichier XML contenu dans le fichier compressé /home/toto/.config/libreoffice/4/user/autocorr/acor_fr-FR.dat ou similaire (toto est à remplacer par votre compte Unix). Avec une interface graphique moderne, on ouvre l’archive acor_fr-FR.dat par un double-clic, puis un autre double-clic sur DocumentList.xml. Là encore intervient une difficulté : ce fichier est constitué d’une seule ligne de 165Ko, que les simples éditeurs de texte ne gèrent pas toujours. Cliquer sur ce lien permet de télécharger un fichier (plus facilement éditable) permettant quelques autocorrections, dont les oeu vers œu.
hunspell hors LibreOffice
Sous UNIX et dérivés, il est courant d’utiliser des éditeurs de fichiers de simples textes. Pour les utiliser avec un correcteur orthographique qui admet la réforme de 1990, il faut installer le paquet hunspell-fr-revised.
Avec Debian 12 bookworm (par exemple), les dictionnaires hunspell peuvent être installés indépendamment de l’application et servir de dictionnaire correctif pour pluma de mate-desktop. L’emplacement semble être /home/toto/.hunspell_personnel/french-1990.dic ou approchant pour le compte toto.
Si enchant-2 est installé :
/home/toto/.config/enchant/ contient les fichiers fr_FR.dic, fr_BE ou en_US.dic… pour l’utilisateur toto. Ce sont les dictionnaires qui s’enrichissent des mots qui n’appartiennent pas aux dictionnaires installés et que vous acceptez lors d’une vérification orthographique de pluma.
/home/toto/.config/enchant/ contient également le fichier enchant.ordering qui permet de désigner les dictionnaires prioritaires :
*:hunspell, aspell en:aspell,hunspell
…qui signifie : le dictionnaire hunspell est prioritaire en général (*:), sauf pour l’anglais (en:), où c’est aspell.