Évolution des religions en Belgique
CETTE page tente de donner une vision la plus claire possible de l’évolution de la religion en Belgique, au niveau des pratiques, du sentiment religieux, de l’appartenance à l’Église… Pour l’évolution des religions dans le monde (surtout) occidental, voyez plutôt la page consacrée au «retour du religieux».
Sources principales : Jésus Crise. Enquête sur les derniers catholiques (Le Soir, 2010) et Autres temps, autres moeurs. Travail, famille, éthique, religion et politique : la vision des Belges, 2012 - Dernière modification : août 2022
1. Pratique – 2. Croyance – 3. Autorité morale – 4. Évangélisation – 5. Bibliographie
Puisqu’il s’agit de l’évolution de la croyance, nous serons attentif à l’étude longitudinale des valeurs des Européens, dont le volet belge est confié à la Katholieke Universiteit van Leuven (KUL) et à l’Université Catholique de Louvain (UCL). Les résultats pour l’enquête de 2009 ont paru en ce début 2012 sous forme de livre↓ sous le titre «Autres temps, autres moeurs» (ATAM pour la suite). Bien que les aspects religieux interviennent dans d’autres problématiques (famille, éthique, travail…), la religion est plus spécialement étudiée dans la section «Une Église marginalisée?», écrite par Liliane Voyé, Karel Dobbelaere et Jaak Billiet, p. 145-172.
Le chapitre commence par un simple dénombrement des Belges selon leur affiliation ou croyance : 50% de catholiques, 2,5% d’autres chrétiens, 0,4% de juifs, 5% de musulmans, 0,3% de bouddhistes, 9,2% d’athées et 32,6% de «sans appartenance religieuse». Les seuls points de comparaison sont quelques chiffres de 1981, époque à laquelle les catholiques se comptaient 72%, tandis qu’athées et personnes «sans appartenance religieuses» étaient 24%; les athées seuls ne se déclarant qu’à 4%, «une personne sur 25» (ATAM p147).
Le choix de ces catégories reflète la difficulté, pour la plupart des études, à séparer deux réalités différentes : la croyance en Dieu, nécessaire a priori pour se déclarer d’une religion monothéiste, et l’appartenance religieuse. De ce fait, il est difficile de savoir ce que regroupe ce tiers de Belges «sans appartenance religieuse» : il peut s’agir de monothéistes et de bouddhistes en marge d’une église, d’athées, d’agnostiques, de spiritualistes… Ces deux réalités sont par contre bien séparées dans les enquêtes ISSP, qui ne concernent malheureusement pas la Belgique.
En ce qui concerne l’enquête sur les valeurs des Belges, les auteurs ont tenu à préciser que l’enquête a eu lieu un an avant que n’éclatent les affaires de pédophilie dans le sein de l’Église catholique belge (ATAM p148) : les réponses ne sont donc pas tributaires d’une réaction épidermique momentanée.
Dans l’enquête du Soir «Jésus Crise» parue en février 2010, deux tableaux en page 5 distinguent judicieusement les pourcentages de religion d’origine et d’appartenance. Ainsi, 87% des habitant de Belgique disaient venir d’une famille catholique, mais 60% seulement se disaient de cette religion. Pour l’enquête précédente de 2005, les chiffres étaient respectivement de 87 et 65%. Les «sans religion» (catégorie qui ne recouvre pas vraiment l’athéisme ou l’agnosticisme) passent en cinq ans de 28 à 31% (pour l’origine de famille sans religion, de 7 à 6%).
1. Baisse de la pratique
Fréquence… | 1981 | 1990 | 1999 | 2009 |
---|---|---|---|---|
au moins une fois par semaine | 30% | 22% | 18% | 11% |
une fois par mois | 8% | 8% | 10% | 7% |
seulement les jours fériés | 8% | 13% | 16% | 14% |
au plus une fois par an | 18% | 12% | 10% | 16% |
(pratiquement) jamais | 36% | 44% | 46% | 52% |
L’assistance assidue au culte hebdomadaire est en érosion continue – islam, judaïsme et christianismes confondus – à mesure que ceux qui ne vont (pratiquement) jamais au culte augmente.
L’ensemble des catégories intermédiaires (une fois par mois + seulement les jours fériés + au plus une fois par an), reste assez stable (36% - 33% - 36% - 37%) mais chacune de ces catégories varie de façon un peu plus chaotique, ce qui témoigne probablement du fait qu’il leur est moins facile d’évaluer la régularité de leur pratique que les pratiquant très réguliers où les non-pratiquants.
L’enquête du Soir dénombre en page 8, parmi les catholiques (60% de la population), 12% de personnes qui vont à la messe presque tous les dimanches, 12% tous les dimanches, et 1% plusieurs fois par semaine. 24% (26% en 2005) de 60% de catholiques nous donnent 14,4%, ce qui supérieur aux 11% des pratiquant réguliers de l’enquête sur les valeurs des Belges. Mais le type d’enquête utilisé prévoit une marge d’erreur de 2 à 3%.
La diminution de la pratique hebdomadaire n’est pas neuve, le phénomène a commencé bien avant 1981, même si les chiffres du XXe siècle d’une même source ne sont pas faciles à obtenir.
Les nostalgiques de la messe en latin accusent la réforme liturgique du concile Vatican II (octobre 1962-décembre 1965) d’avoir fait fuir des fidèles, mais s’abstiennent de produire les chiffres sur l’évolution d’après-guerre. Or les chiffres donnés par le Service des Statistiques Religieuses de Belgique↓, basés sur l’assistance à la messe des troisièmes dimanches d’octobre entre 1962 et 1968, affichent justement un relatif répit dans l’érosion de la pratique dominicale de 1965 à 1967 (–0,7 point au lieu de –1,5 point de 1963 à 1965), avant de replonger de plus belle : -0,9 point pour la seule année 1968. Le sondage ayant lieu en automne, le vent de contestation de mai 68 peut au moins partiellement expliquer la sévérité de la baisse de la dernière année.
Le graphique indique le pourcentage des personnes «messées» par rapport à la population totale. Si l’on calcule le pourcentage de perte des pratiquants d’une mesure à la suivante, les pertes sont plus contratées : –4,0% de 1963 à 1965, –1,9% de 1965 à 1967 et –2,5% en une seule année, de 1967 à 1968.
Note : Les chiffres en valeurs absolues du troisième dimanche d’octobre ont été rapportés à la population belge au 1er janvier de l’année suivante.
Mais la messe dominicale n’est pas la seule pratique catholique, et l’ouvrage note également la baisse des baptêmes, mariages et enterrements. Le Service des Statistiques Religieuses de la Conférence épiscopale ne fournissant plus de chiffres depuis 1998 (ATAM p148), les auteurs se sont tournés vers différentes études, mais il est malaisé de s’y retrouver dans ces informations partielles et provenant d’études différentes. Il a donc fallu s’inspirer d’autres sources.
1. Le premier graphique ci-contre se base sur une étude venant de l’ADRASS↓, qui rassemble dans son premier tableau, page 4, des chiffres provenant du dossier 51 du CRISP (février 2000) et du document de Sarah Botterman et Marc Hooghe : Religieuze praktijk in België in 2008 : Een betere rapportering door de parochies, Centrum voor Politieke Wetenschappen, Katholieke Universiteit Leuven.
Nous voyons que de 1967 à 2008, la messe dominicale de 34 à 8%, la courbe étant presque plane de 1998 à 2008. Les baptêmes sont passés de 93% à 50% de la population de façon assez linéaire ; les enterrements religieux sont restés très stables sur les 31 premières années, passant de 80% à 74%, avant de connaître une baisse plus forte pour arriver à 55% en 2008. Ces deux pratiques sont des rites n’arrivant qu’une fois dans la vie, ce qui n’est pas le cas du mariage, dont la courbe est légèrement plus chahutée, allant de 84% en 1967 à 58% en 1990, baissant moins (3 à 4%) de 1990 à 1998 et chutant à 29% (–25%) de 1998 à 2008.
2. Le second graphique intègre les chiffres de deux articles : le premier↓ provient du site de la Libre Belgique d’après une étude de la KUL réalisée à la demande de la Conférence des évêques de Belgique, et le second↓ d’info.catho.be, qui se base sur le Courrier hebdomadaire du CRISP n°2112-2113, intitulé Le fonctionnement de l’Église catholique dans un contexte de crise, 2011. La forme générale des courbes de ce graphique est la même que celle du graphique précédent, malgré des différences de pourcentages.
La pratique hebdomadaire semble partir de plus haut (les chiffres de 1967 manquent, une interpolation sur le graphique du haut donne 25% en 1977 pour 30% sur le second graphique) et arrive très légèrement plus bas en 2006. Les baptêmes descendent de 94% en 1967 à 55% en 2007, tandis que les enterrements religieux suivent la même courbe que celle du graphique précédent, mais plus élevée de 5%. Cette dernière pratique, qui s’est longtemps maintenue, amorce une descente depuis la fin du deuxième millénaire. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’il s’agit surtout d’un effet de génération, les personnes nées avant la guerre 40-45 étant bien plus religieuses (ATAM p. 158-161).
Les mariages religieux ont également diminué de moitié en dix ans, passant de 50% entre 1996 et 1998 à 26% en 2007. Il est possible d’y voir comme cause l’interdiction du remariage religieux (ATAM p149). Cette explication n’est probablement que partielle, dans un contexte de mariages plus rares et de divorces qui augmentent faiblement (en Belgique, les mariages ont chuté de 65.000 en 1990 à des chiffres entre 40.000 et 45.000 au XXIe siècle, alors que le nombre de divorces, qui a culminé à 31.405 en 2004, a augmenté de 20.331 à 24.414 de 1990 à 2015 - statbel.fgov.be…divorces/). Appliquer le constat d’un divorce pour deux mariages en 2015 à la population catholique de 2008 est donc assez hasardeux. Comme explication alternative, le retardement du premier mariage (études plus longues pour les femmes, moins de nécessité de trouver un mari…) rend probablement celui-ci plus indépendant des éventuelles pressions parentales dans l’hypothèse d’une plus grande religiosité des personnes plus âgées.
Il est donc intéressant de poser la question des pratiques selon les générations : l’âge du premier mariage est en moyenne plus bas que celui auquel on fait baptiser les enfants, et plus bas que l’âge des funérailles (si la volonté rituelle des défunts est respectée) : cela se note dans la hiérarchie actuelle des pratiques. Il n’est pas impossible que la volonté des aïeuls se ressentait plus fortement il y a quarante années, lorsqu’on se mariait davantage à l’église et que l’on y faisait baptiser ses enfants.
Notons que le taux de funérailles religieuses et de baptêmes sont très proches et semblent converger. Ces rites d’accueil dans la communauté chrétienne et d’entrée dans la vie future sont les plus respectés, et leur taux très proches du taux des croyants (55%) : l’assurance pour la résurrection n’est peut-être pas absente de la perpétuation du baptême et des funérailles religieuses. Hormis le fait du remariage qui, sauf dispense, ne peut être catholique et le fait qu’on se marie moins, il est possible de penser que les Droits humains auront eu raison de l’idée de l’«enfant né du péché» : tout le monde est censé naître égal en droit et en dignité, quelle que soit la religion de ses parents.
Mais tout ceci ne concerne encore que la pratique, dont tout le monde a pu constater la désaffection ces dernières décennies. Notons néanmoins que les apparences sont parfois trompeuses, témoins les officines des Églises du réveil très visibles depuis la fin du XXe, mais qui peuvent difficilement représenter plus des 2,5% des Belges répertoriés en 2009 comme «autres chrétiens».
L’enquête du Soir de 2010 ne parle pas des quatre rites ci-dessus.
2. Baisse de la croyance
Un tableau composite reprend en page 153 les croyances et les images de Dieu. Pour plus de clarté, nous scinderons les deux problématiques.
2.1 Croyances
1981 | 1990 | 1999 | 2009 | |
Croyance en Dieu | 77% | 63% | 65% | 57% |
Vie après la mort | 36% | 37% | 37% | 37% |
Ciel | 33% | 30% | 26% | 31% |
Enfer | 18% | 15% | 13% | 14% |
Péché | 44% | 41% | 38% | 40% |
Le tableau ci-contre confirme que 57% de la population belge croient en Dieu en 2009, ce qui semble rassembler les monothéistes de Belgique : 50% de catholiques, les 5% de musulmans et les 2,5% d’autres chrétiens.
Les croyances les plus souvent associées aux monothéismes sont bien plus basses : la notion de péché concerne 40% de la population globale; l’espérance d’une vie après la mort se stabilise à 37%. Étrangement, ces monothéistes ne croient pas nécessairement au Ciel, pourtant promis aux chrétiens et musulmans : de 33% en 1981, elle s’érode très légèrement à 31%. La moins répandue encore est la croyance à l’Enfer, la punition éternelle, qui s’est stabilisée autour de 14%.
La croyance en Dieu baisse de 77 à 57% en 28 années, ce qui semble énorme (20 points de perte par rapport à 77% représentent une perte d’un quart des croyants), mais il s’agit peut-être d’un ajustement à une réalité plutôt qu’un changement d’attitude. En effet, l’érosion de la pratique traditionnelle (enterrements, mariages, communions, baptêmes et pratique dominicale) permet en retour de moins se définir comme appartenant à la religion et par là de moins supposer que l’on croit en Dieu (les études sur la résistance à la dissonance cognitive ont mis en lumière l’alignement de l’attitude sur la pratique ; plus simplement dit : «Ne priez plus, et bientôt vous douterez !»).
Ce mécanisme ne concernerait pas la croyance à une vie après la mort, aussi stable qu’elle est vague et partagée avec d’autres types de religion : hindouïsme, bouddhisme… Les autres croyances, plus spécifiquement monothéistes, seraient défendues par le noyau de monothéistes convaincus et cette érosion pourrait ainsi marquer la véritable évolution de la croyance en Dieu.
Nous voyons par ailleurs que plus les concepts sont concrets et plus les taux de croyances sont bas : la survie offre des formes très variées et la notion de péché varie selon les religions ou morales, tandis que le Ciel promet le bonheur, notion assez difficile à définir. L’Enfer, quant à lui, ne promet que souffrances, ce que tout le monde a eu l’occasion d’éprouver. Un dogme trop précis survivrait plus mal dans une société où la religion est facultative.
Note : les pourcentage de «Ne sait pas / ne répond pas» n’a cessé de diminuer au fil des enquêtes, ce qui fait remonter les pourcentages des catégories «Oui» et «Non». Voir cette note.
L’enquête du Soir ne ventile pas ses résultats de la même façon, ce qui les rend difficiles à comparer. Les «non religieux» (p. 8), sont 35% à croire «à une forme de transcendance, c’est-à-dire à une forme d’être supérieur», 33% à «quelque chose après la mort», 22% à la réincarnation (en toute logique, sous-ensemble du précédent) ; 26% éduquent leurs enfants ou pensent les éduquer dans une religion, 7% pratiquent une autre forme de spiritualité, ce qui est assez vague…
De la même façon, ce n’est qu’aux catholiques pratiquants qu’on demande précisément leur croyances pour après la mort (p. 9). 54% ne savent pas très bien et 11% pensent qu’il n’y a rien du tout. Pour le reste, c’est ventilé de cette façon : 7% ne croient qu’au paradis, 4% au paradis et au purgatoire, 4% au paradis et à l’enfer, et 19% aux trois formes de séjour post-mortem. Cela nous donne 34% de pratiquants qui croient au paradis (4,8% de la population entière!), 23% qui croient à l’enfer et autant au purgatoire (3,2%!). Rappelons que ces chiffres très faibles ne tiennent pas compte des catholiques non pratiquant ni des «sans religion».
1981 | 1990 | 1999 | 2009 | |
Vie après la mort | 47% | 59% | 57% | 65% |
Ciel | 43% | 48% | 40% | 54% |
Enfer | 23% | 24% | 20% | 25% |
Péché | 57% | 65% | 53% | 70% |
Le tableau ci-contre tente de rapporter les croyances au nombre de croyants : en effet, s’il y a autant de personnes qui croient au Ciel alors que le nombre de croyant en Dieu diminue, on peut supposer qu’un plus grand nombre de croyants croient maintenant au Ciel : le noyau dur serait plus proche des dogmes. Cela n’est qu’indicatif, car il existe certainement d’anciens croyants qui conservent des sentiments de croyants : rejette-t-on nécessairement en même temps Dieu, vie après la mort, paradis, enfer, péché…? Si seuls les monothéistes (juifs, musulmans et chrétiens, c’est-à-dire 58% de la population belge) croyaient dans ces croyances associées, cela ne ferait encore que 65% des monothéistes croyant en une vie après la mort, 54% au Ciel, 25% à l’Enfer et 70% au péché, ce qui tend à accréditer les thèses du «supermarché de croyance» ou du bricolage spirituel développées au sujet des «nouveaux mouvements religieux», cette fois-ci à l’œuvre dans les Églises. Mais ces pourcentages de croyances associées ne représentent qu’une estimation haute, des «sans appartenance religieuse» pouvant également croire en un au-delà.
2.2 Images de Dieu
1981 | 1990 | 1999 | 2009 | |
une personne | 39% | 29% | 26% | 18% |
une force ou un esprit | 24% | 20% | 36% | 37% |
ne sait que penser | 15% | 29% | 20% | 23% |
ne croit pas en Dieu | 8% | 14% | 16% | 21% |
pas de réponse | 14% | 8% | 2% | 1% |
Le second thème du tableau composite propose quelques définitions de Dieu, ce qui permet aux personnes de se positionner plus clairement vis-à-vis de son existence sans être perturbées par la question de l’appartenance religieuse. Ainsi, si seulement 9,2% des Belges s’étaient déclarées athées (voir début d’article), 21% affirment, face à une demande de définition de Dieu, ne pas y croire, ce qui représente quand même plus du double. La raison est qu’«athée» signifie probablement «qui nie explicitement l’existence de Dieu», ce que l’on appelle dans d’autres études «opposés à toute religion» (Delhez et Rezsohazy↓ 1996:16) ou «athées convaincus» (Yves Lambert↓ 2006). Si tel est le cas, on peut se demander pourquoi la catégorie «agnostiques» n’apparaît que rarement dans de telles études.
Ce tableau permet de voir une baisse assez nette de la notion de Dieu en tant que personne, mais aussi que les deux formes de croyance en Dieu (en vert) ne totalisaient pas l’ensemble des croyants en Dieu. Si c’est presque le cas en 2009 (18%+37%=55%, pour 57% de croyants et 58% d’appartenance à une religion monothéiste), il reste 23% de personnes qui ne savent que penser, position qui recouvre assez la définition de l’agnosticisme.
Note : la plus grande évolution est le pourcentage de réponses, voir cette note.
L’enquête du Soir parle plus de religion que de forme du croire en Dieu et n’a pas donné de résultat à ce propos.
3. Baisse de l’autorité morale de l’Église
Le «retour du religieux» dont on entend parler ne semble donc pas être une réalité ni dans les pratiques, ni dans les croyances. De même, l’autorité de l’Église catholique recule de façon significative. Dans un pays où 50% des habitants se disent catholiques, l’évolution de la réception de ses messages de 1990 à 2009 est négative :
Besoins et problèmes | 1990 | 1999 | 2009 | |
spirituels | rapports | 1,35 | 1,00 | 0,85 |
---|---|---|---|---|
nsp/nrp | 27% | 20% | 4% | |
moraux | rapports | 0,73 | 0,43 | 0,43 |
nsp/nrp | 29% | 14% | 4% | |
familiaux | rapports | 0,57 | 0,38 | 0,39 |
nsp/nrp | 26% | 13% | 4% | |
sociaux | rapports | 0,38 | 0,34 | 0,33 |
nsp/nrp | 28% | 14% | 4% |
Besoins et problèmes | 1990 | 1999 | 2009 | |
spirituels | oui | 42% | 40% | 44% |
---|---|---|---|---|
non | 31% | 40% | 52% | |
moraux | oui | 30% | 26% | 29% |
non | 41% | 60% | 67% | |
familiaux | oui | 27% | 24% | 27% |
non | 47% | 63% | 69% | |
sociaux | oui | 20% | 22% | 24% |
non | 52% | 64% | 72% |
Les avis favorables concernant les prises de position aux discours de l’Église, qui avaient baissé de 1990 à 1999, ont a priori remonté de 1999 à 2009. Cependant, les avis défavorables ont également augmenté, le nombre de personnes qui ne répondent pas ayant baissé (nsp/nrp du tableau de droite).
En fait, on perçoit une stabilisation du rapport (assez faible) favorables/défavorables pour les discours moraux (30% de ceux qui y répondent), familiaux (28%) et sociaux (25%) de l’Église, tandis que les avis favorables envers les discours spirituels ont continué de baisser (46% des répondants).
Note : les rapports entre personnes qui jugent pertinentes ou non les discours de l’Église, ainsi que les pourcentages de «sans opinion» ont été déduits des «pour» et «contre», avec les imprécisions que cela génère. Nous voyons que davantage de personnes se prononcent avec le temps, ce qui pourrait être la trace d’une radicalisation des positions, mais également d’une plus grande insistance de la part des enquêteurs à obtenir une réponse.
Il apparaît qu’il n’y a plus beaucoup de changements dans ces rapports entre 1999 et 2009 si ce n’est les déclarations qui concernent le spirituel. Mais si l’on se souvient que l’Église reste opposée à toute forme d’euthanasie (souvenons-nous de la condamnation par le cardinal Danneels lorsque l’écrivain Hugo Claus à demandé l’euthanasie), un sondage RTBF/La Libre Belgique (N=2714) nous montre une population belge massivement favorable ou plutôt favorable à la possibilité de l’euthanasie de mineurs (74%) ou de personnes démentes (79%). Il est à noter qu’à part le cas de Bruxelles, légèrement moins favorable, les différences entre les différentes régions concernent surtout la répartition entre «plutôt favorables» et «très favorables».
Euthanasie de mineurs (1) | Euthanasie de déments (2) | ||||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
++ | + | – | – – | ? | + | — | ++ | + | – | – – | ? | + | — | ||
Belgique: | 38% | 36% | 8% | 6% | 13% | 74% | 14% | 43% | 36% | 6% | 4% | 12% | 79% | 10% | |
Flandre: | 40% | 36% | 7% | 5% | 13% | 76% | 12% | 46% | 34% | 7% | 3% | 12% | 80% | 10% | |
Bruxelles: | 37% | 33% | 10% | 8% | 13% | 70% | 18% | 38% | 34% | 10% | 7% | 13% | 72% | 17% | |
Wallonie: | 34% | 40% | 8% | 6% | 12% | 74% | 14% | 41% | 38% | 8% | 4% | 11% | 79% | 12% |
Note : les pourcentages étant arrondis, leur somme peut donner un résultat légèrement différent de 100%.
Êtes-vous favorable/plutôt favorable/plutôt défavorable/défavorable…
(1) à une loi authorisant l’euthanasie de mineurs souffrant de maladies incurables, particulièrement pour des mineurs qui ne seraient plus en état de donner leur consentement (par exemple, parce qu’étant dans le coma ou dans un état végétatif prolongé)?
(2) à une loi autorisant l’euthanasie de personnes majeures souffrant de démence de type Alzheimer ou de démence vasculaire à un stade suffisamment avancé pour que ces personnes souffrent psychiquement au point de demander la mort mais à un stade trop avancé pour être en état d’exprimer la demande d’être euthanasiées (avec le consentement de deux médecins dont un spécialiste de l’affection concernée)?
L’enquête du Soir a posé des questions beaucoup plus concrètes que dans l’enquête sur les valeurs des Belges. Ainsi, la croyance à l’infaillibilité du pape est passée, chez les catholiques pratiquants, de 42% en 2005 à 25% en 2010 (page 9), et l’ensemble des catholiques n’est pas massivement influencé par les recommandations de l’Église : 48% sont favorables au mariage homosexuel (44% en 2005), 43% à l’adoption par un couple homosexuel (37% en 2005), 47% pour la dépénalisation de l’avortement (50% en 2005), 65 pour l’euthanasie (62% en 2005), 90% pour la contraception (87% en 2005) (page 10).
4. Mais – donc? – retour de l’évangélisation
Au vu de l’évolution des cinquante dernières années, on peut conclure que le «retour du religieux» est très loin d’être une réalité en Belgique : baisse de la pratique, baisse de la croyance, baisse du sentiment d’être catholique, non compensée par la hausse d’une autre Église, défiance accrue face à son discours…
Le retour du religieux se note par contre dans la prétention de l’Église à maintenir une visibilité dans les institutions, comme la tentative d’inscrire les racines chrétiennes de l’Europe dans le Traité constitutionnel européen, la prise en charge de l’organisation des enterrements lors de catastrophes, la remise de médailles aux policiers tués dans l’exercice de ses fonctions lors de la cérémonie religieuse… les exemples sont nombreux d’un maintien anachronique de l’Église dans le politique ou le civil.
Mais il y a plus : voyant le très relatif succès des Églises du réveil et autres évangélistes ou pentecôtistes, l’Église catholique tente de réagir : Benoît XVI a créé le «Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation» le 21 septembre 2010. Cela se note dans la brochure Métropolis 2012*, qui contient 28 pages d’actions appelées «Chemins de Conversion», «Expérience de la Réconciliation», «Enseignement de la Foi», «Témoignage de Conversion»… et dont la préface de l’archevêque Léonard (p. 2-3) s’intitule tout simplement «La nouvelle évangélisation».
5. Bibliographie
- André, Pascal
- ↑ 2011 «La pratique religieuse en Belgique est en nette diminution», Info-Catho mise en ligne le 14 octobre 2011
- Delhez, Charles et Rudolf Rezsohazy
- ↑ 1996 Il est une foi, fidélité/Racine
- La Libre Belgique
- ↑ 2008 «La pratique religieuse en recul en Belgique», La Libre Belgique, mise en ligne le 8 juillet 2008
- Lambert, André
- ↑ 2011, «L’évolution de la pratique du culte catholique en Wallonie de 1967 à 2050», ADRASS, avril 2011
- Lambert, Yves
- ↑ 2006 «L’Europe des "athées convaincus"», Monde des Religion, janvier-février 2006, p. 30-31
- Léonard, André-Joseph
- ↑ 2012 Métropolis 2012
- Le Soir
- Jésus Crise. Enquête sur les derniers catholiques, février 2010. ↑ pourcentage • ↑ pratique • ↑ croyances • ↑ morale
- Service des Statistiques Religieuses de Belgique
- ↑ 1970 Population et Pratiquants dans les Doyennés et Diocèses de la Province écclésiastique Belge
- Voyé, Liliane, Karel Dobbelaere et Koen Abts
- ↑ 2012 Autres temps, autres moeurs. Travail, famille, éthique, religion et politique : la vision des Belges, Racine/Campus, Fondation Roi Baudouin