Marie

MARIE-MÈRE-DE-DIEU est certainement une figure majeure et incontournable du catholicisme et de l’orthodoxie. Un grand mystère reste concernant les nombreuses Marie qui peuplent les évangiles, comme le fait remarquer Marc Hallet. De celles-là émerge bien sûr la mère de Dieu et de l’Église, son culte n’ayant cessé de croître au fil des siècles. Ses débuts furent pourtant assez obscurs, apparaissant surtout dans les deux évangiles consacrant leur début à l’enfance, n’étant mentionnée qu’une fois dans les Actes des Apôtres et restant entièrement inconnue des épîtres.

Mère de Jésus

Les évanglistes qui en parlent le plus sont logiquement Matthieu et Luc, qui nous racontent l’enfance de Jésus. Pour Matthieu, Joseph est averti par l’Ange du Seigneur que Marie, vierge, est enceinte du Saint Esprit (Mt 1:18-25) tandis que pour Luc, l’ange est nommé Gabriel, et celui-ci s’adresse directement à Marie (Lc 1:26-38).

Jean, qui comme Marc ne parle pas de l’enfance de Jésus, évoque la «mère de Jésus», sans la nommer, dans l’épisode des noces de Cana, son premier miracle, ignoré des autres évangélistes, où il change de l’eau en vin.

Une histoire présente chez les trois concernent le rejet de sa famille. Alors que Jésus est en train d’enseigner à la foule, sa mère (non nommée) et ses frères, tenus à l’écart, le réclament. La réaction de Jésus est nette : sa vraie famille, sont ceux qui l’écoutent (Mt 12:46-50, Mc 3:31-35 et Lc 8:19-21).

Seul Jean dit clairement que la mère de Jésus est près de la croix juste avant la mort de Jésus, au moment où il confie sa mère au «disciple qu’il aimait» (Jn 19:25-27). Les synoptiques ne disposent personne près de la croix: tout le monde observe de loin. Luc est le plus vague, qui mentionne tous ses amis et les femmes qui l’accompagnaient depuis la Galilée (Lc 23:49). Les deux autres évangiles sont plus problématiques. Matthieu nomme trois femmes, dont Marie, mère de Jacques et Joseph (Mt 27:56). Or le même évangile attribue à Jésus Marie comme mère et Jacques, Joseph, Simon et Jude comme frères en Mt 13:55. Le parallélisme est frappant en Mc 15:40 où parmi les femmes se trouve Marie, mère de Joset, dont il n’est question qu’au moment où Jésus est reconnu comme fils de Marie et frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon (Mc 6:3).

Pour la résurrection, il n’est pas question de la mère de Jésus chez Jean . Pour Luc, Marie, mère de Jacques, est témoin du tombeau vide (Lc 24:10). Pour Matthieu, Marie, mère de Jacques et de Joseph est nommée plus loin l’«autre Marie» (Mt 27:61), ce qui serait étrange pour la mère de Jésus. Cette «autre Marie» est une des deux témoins de la résurrection de Jésus (Mt 28:1-7), mais Marc ne la mentionne pas (Mc 16:9).

Finalement, s’il est question d’une mère de Jésus, elle n’est pratiquement nommée qu’aux deux premiers chapitres de Luc et Matthieu, ce dernier la nommant également en Mt 13:55 lors de l’épisode d’un rappel des noms de parents, qui donne à Marc l’unique occasion de l’appeler par son nom. Jean ignore complètement son prénom.

En dehors des évangiles, «Marie, mère de Jésus» n’est citée qu’au début des Actes des apôtres dans une activité de prières (Ac 1:14), et est complètement ignorée des épîtres et de l’Apocalypse. Elle ne doit pas être confondue avec Marie, mère de Jean (Actes 12:12).

Marie de Magdala

Marie de Magdala est connue comme une pécheresse dont Jésus a chassé sept démons (Lc 8:2, Mc 16:9). Luc est cependant le seul évangile à ne pas la mentionner directement comme témoin de la mort sur la croix, alors que Matthieu la nomme première parmi quatre femmes (Mt 27:56), puis la première des deux s’asseyant devant le tombeau (Mt 27:61); Marc la nomme première entre trois femmes témoins (Mc 15:40) et la première des deux femmes qui s’inquiètent de savoir où l’on a placé le corps (Mc 15:47); Jean la cite également, mais comme quatrième des femmes près de la croix au moment de la mort de Jésus (Jn 19:25).

C’est encore Marie de Magdala la première nommée des deux femmes qui se rendent le lendemain du Sabbat au tombeau de Jésus, y voient l’ange annonçant la résurrection, constatent le tombeau vide et rencontrent Jésus lorsqu’elle vont annoncer la nouvelle aux apôtres (Mt 28:1-9). Pour Marc, c’est la première des trois femmes nommées qui constatent le tombeau vide et un jeune homme qui leur annonce la résurrection (Mc 16:1-7), mais c’est surtout la première à qui Jésus apparaît (Mc 16:9).

Luc raconte la même histoire, utilisant le nom collectif «les femmes», citant finalement trois femmes dont Marie de Magdala est la première (Lc 24:10). Comme Marc, Jean laisse à Marie de Magdala l’insigne honneur de découvrir seule la tombe vide (Jn 20:1), puis les anges et enfin Jésus (Jn 20:12-16).

Ce qui frappe, c’est qu’à part une mention de «Marie la Magdaléenne» (Lc 8:2), cette femme n’apparaît que lors des épisodes de la mort et la résurrection de Jésus, tandis que les Actes des Apôtres et le reste du Nouveau Testament l’ignorent complètement. Selon les évangiles, la pécheresse au parfum ne peut être confondue avec Marie de Magdala.

Mentions de Marie de Magdala ou Marie la magdaléenne
Matthieu  Marc  Luc  Jean  
exorciséede 7 démonsde 7 démons
Croix1° de 4 femmes1° de 3 femmes4° de 4 femmes
Enterrement1° de 2 femmes1° de 2 femmes
Tombeau vide1° de 2 femmes1° de 3 femmes1° de beaucoupseule femme
Anges1° de 2 femmes1° de beaucoup
jeune homme1° de 3 femmesseule femme
Jésus1° de 2 femmesseule femme1° de beaucoupseule femme
Annonceseule femmeseule femme

Marie, sœur de Marthe

Il est tout d’abord question d’une femme qui apparaît chez Simon le lépreux, à Béthanie, et qui verse sur la tête de Jésus «un flacon d’albâtre contenant du parfum très précieux» (Mt 26:7), «un nard pur» (Mc 14:3). Pour Luc, c’est chez un pharisien qui l’avait invité qu’une pécheresse «lui arrose les pieds de ses larmes» et oignait les cheveux de parfum (Lc 7:38).

Pour Jean, c’est également à Béthanie que la scène a lieu, mais le malade est Lazare, frère de Marthe et Marie (Jn 11:2), et c’est Marie qui prend le «parfum de nard pur, de grand prix» pour oindre les pieds de Jésus (Jn 12:3), pendant que Marthe servait (Jn 14:2). Il est à noter que si pour Luc l’histoire est une façon de parler de la rédemption, c’est l’occasion pour Jésus de prophétiser sa mort prochaine selon Matthieu, Marc et Jean.

Il n’y a que Jean qui identifie la verseuse de parfum très précieux en la personne de Marie, sœur de Marthe et de Lazare. Il en est question lors de la résurrection du frère (Jn 11:20-44), et dans l’épisode où Marie écoute Jésus tandis que Marthe s’active seule à servir et le reproche à Marie (Lc 10:39-42).

Les autres Marie

Ce nom intervient une seconde fois dans les Actes des Apôtres dans une assemblée de prière, mais elle est mère de Jean surnommé Marc. Cela peut donc difficilement concerner l’évangéliste Jean à qui Jésus a confié sa mère, puisqu’on ne dit nulle part que le quatrième évangéliste était surnommé Marc.

Il est encore question d’une Marie dans l’épître aux Romains, à qui Paul demande de saluer «Marie, qui s’est bien fatiguée pour vous.» (Rm 16:6). On ne supposera qu’il s’agit de la mère de Jésus que si on est capable d’imaginer qu’elle a entrepris le long voyage jusque dans la ville éternelle.

Les autres femmes

Très peu de femmes nommées ne s’appellent pas Marie parmi les suivantes de Jésus. Outre Marthe la sœur de Marie, une Salomé est témoin, avec d’autres femmes dont deux Marie, de la mort (Mc 15:40) et de la résurrection (Mc 16:1-8) de Jésus. Si ce prénom n’apparaît que deux fois dans le Nouveau Testament, la tradition chrétienne nomme Salomé la fille d’Hérodiade, qui avait si bien dansé pour son beau-père Hérode qu’elle avait le droit de lui demander ce qu’elle voudrait. Sur proposition de sa mère, elle demande la tête de Jean le baptiste, qu’on lui amène sur un plateau (Mt 14:6-11, Mc 6:21-28). Mais rappelons-le, les évangiles ne précisent nulle part le nom de la princesse-danseuse.

Luc mentionne encore une Suzanne, et plus étonnamment une Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode, qui assistent les apôtres (Lc 8:3). Or cette dernière remplace, dans le récit de Luc, la Salomé de Marc comme témoin de la résurrection de Jésus (Lc 24:1-10), ce qui nous donne un curieux rapprochement, d’autant plus que l’historien Flavius Josèphe (37-100) mentionne une princesse Salomé fille d’Hérodiade et d’Hérode.

Dans l’Ancien Testament

Il existe une Miryam dans le Pentateuque. Sœur d’Aaron et prophétesse, elle forme avec d’autres femmes un chœur de danse pour remercier Yahvé d’avoir refermé la mer sur les cavaliers égyptiens lors de la fuite d’Égypte (Ex 15:20-21). Elle est ensuite punie par Yahvé de sept jours de lèpre pour avoir (avec Aaron) critiqué Moïse d’avoir pris une kushite pour femme (Nb 12:1-16).

Cette Miryam serait tout de même la sœur de Moïse, puisque qu’Aaron est dit plusieurs fois le frère de Moïse (Ex 7, Ex 28).

Il y a lieu de s’interroger au sujet d’un nom si rare dans la bible juive, mais si courant dans les évangiles.

Occurrences de la mention des parents de Jésus dans le nouveau testament

Nb versets79571071678115187910063172
NTMtMcLcJnAcReste
Joseph15762
%0,20,70,50,2
Marie1951121
%0,20,50,11,40,1

Notons que Marc mentionne par ailleurs deux fois la «mère» (de Jésus), et Jean six fois.