L'évangile: généalogie, naissance et enfance de Jésus
À part les auteurs apocryphes, seuls Matthieu et Luc nous racontent quelques éléments de l'enfance de Jésus, à savoir l'annonciation, la généalogie et la naissance. Matthieu ajoute une la fuite en Égypte, Luc la présentation au Temple et un épisode à 12 ans. Les évangélistes Marc et Jean ainsi que le reste du Nouveau Testament ignorent tout de ces épisodes.
Les généalogies
Matthieu commence son évangile en mentionnant explicitement les trois cycles de quatorze générations qui séparent Abraham de Jésus, en passant par David et la déportation de Babylone et finalement Jésus (Mt 1:1-16). L'évangéliste fait lui-même remarquer qu'il s'agit de trois sections de quatorze générations (Mt 1:17).
Luc attend 150 versets pour remonter la généalogie de Jésus jusqu'à Adam, fils de Dieu. À partir du «premier homme», Enoch est à la septième génération, Abraham à la 21ème, David à la 35ème, un certain Joseph à la 42ème, un certain Jésus à la 49ème, un autre Joseph à la 70ème… et le Jésus des évangiles à la 77ème (Lc 3:23-38).
Si la généalogie d'Abraham à David est quasiment commune (en admettant les correspondances Esrom/Hesron, Aram/Arni, Salman/Sala et l'oubli chez Matthieu d'Admin, père d'Aminadab), plus rien ne correspond plus après David, Matthieu poursuivant la lignée des rois de Judée par Salomon, tandis que Luc choisit Nathan comme fils de David et aïeul de Jésus. Seul l'arrière-grand-père de Jésus semble le même: Matthan pour Matthieu et Matthat pour Luc; mais le grand-père de Jésus est Jacob selon le premier, et Héli selon le second.
Aussi peu compatibles soient ces généalogies, il n'y a aucun hasard dans ces multiples de sept: 42 générations en trois fois quatorze depuis Abraham chez Matthieu ou 56 depuis Adam chez Luc, 28 ou 35 depuis David selon les évangélistes. Jésus enseigne de pardonner jusqu'à soixante-dix-sept fois plutôt que sept fois (Mt 18:22), il y a sept pains initiaux dans une des deux versions du miracle de la multiplication des pains, dont il reste finalement sept corbeilles de surplus (Mt 15:34-37, Mc 8:5-8).
De la même manière, la valeur du nom David est 14 (dalet vaut 4 et vav vaut 6 – on ne tient pas compte des voyelles brèves). Compter deux périodes de 14 générations de plus pour Jésus est une manière de signifier que Jésus vaut trois fois David, le roi presque parfait.
L'annonciation
Seul Luc nous raconte l'annonce qu'un ange fait d'abord à Zacharie, vieux prêtre qui n'avait pas d'enfant à cause de la stérilité de sa femme, Elisabeth. Puni par son doute, Zacharie en reste muet jusqu'à la naissance de Jean, appelé à préparer le peuple à l'avènement du Seigneur (Lc 1:5-22). Ce n'est qu'après six mois que l'ange se rend ensuite à Nazareth, chez une parente d'Elisabeth nommée Marie, qui s'étonne tout autant de l'annonce de Gabriel (car c'était lui): son fils Jésus recevra le trône de David pour l'éternité. Marie s'incline, se disant la servante du Seigneur (Lc 1:26-38).
Matthieu se borne à affirmer que comme Marie était enceinte – hors mariage – de l'oeuvre du saint Esprit, l'ange Gabriel apparaît en songe à Joseph pour lui expliquer qu'il peut en tout quiétude prendre sa fiancée sous son toit, elle devient «sa femme» (Mt 1:24), que son fils, sauveur de son peuple, devra être nommé Jésus, qu'il sera en outre appelé Emmanuel, «Dieu avec nous» (Mt 1:18-25). Il s'agit de l'unique mention d'«Emmanuel» dans tout le Nouveau Testament.
La naissance
Luc fait concorder l'enfantement de Marie avec l'obligation pour Joseph, étant de la lignée de David, et sa femme d'aller se faire recenser à Bethléem – ce qui n'est pas un édit impérial romain très pratique. Cela permet de faire naître l'enfant dans une crèche et aux bergers d'en être les premiers adorateurs (Lc 2:1-20).
Matthieu fait naître Jésus à Bethléem en Judée sans explication administrative impériale, et ce sont des mages d'orient, préalablement passés chez le roi Hérode, qui sont les premiers à reconnaître l'enfant-dieu. Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode qui craint pour son trône, il retournèrent chez eux par un autre chemin, tandis que Joseph est également averti en songe par l'ange que la famille doit se réfugier en Égypte jusqu'à la mort du roi. Ce n'est qu'alors qu'ils s'installèrent à Nazareth, qui se situe en Galilée et non en Judée, notamment parce que Jésus devait, selon les écritures, se faire appeler «nazôréen». (Mt 2:1-23).
Nous voyons donc que Luc doit expliquer pourquoi Jésus, conçu à Nazareth, est né à Bethléem, tandis que Matthieu explique pourquoi, après être né à Bethléem, Joseph choisit d'installer sa famille à Nazareth. De plus, les deux évangélistes ne sont pas d'accord sur les qualités des premiers adorateurs de l'enfant, bergers ou mages selon les versions.
Premières reconnaissances
Ignorant donc le danger du massacre des innocents, Luc ajoute un épisode au temple lors des rites suivant la naissance, où un vieillard du nom de Syméon prophétise de grandes choses pour le nourrisson, au grand étonnement de ses parents pourtant instruits par l'ange neuf mois auparavant, puis par la vieille prophétesse Anne (Lc 2:21-38). Enfin, Luc seul raconte que Jésus a inquiété ses parents à douze ans en les abandonnant pour aller étonner les docteurs de la loi au Temple (Lc 2:41-51).
Le vide laissé par cette histoire assez lacunaire a permis l'éclosion des apocryphes de l'enfance, qui, bien que non reconnus par l'Église, ont relativement influencé les articles de foi. La suite logique des évangiles canoniques sont les débuts de la prédication.