La «spiritualité», un concept flou mais vendeur
VOUS aurez peut-être entendu, en confidence, un proche vous déclarer gravement: «J'ai de gros besoins spirituels». Ne demandez pas à cette personne ce qu'elle entend par là: elle risquerait d'être désappointée de ne pas pouvoir vous répondre. Disons que «c'est dans l'air du temps».
Concernant la spiritualité, Robert I renvoie à ce qui est indépendant de la matière et à l'Ensemble de croyances, des exercices qui concerne la vie spirituelle. Quant à ce qui est spirituel, ce dictionnaire analogique de la langue française renvoie à l'âme en tant qu'émanation et reflet d'un principe supérieur, divin.
Nous y voilà. On ne préconise plus de croire, craindre et respecter dieu, mais on invite l'homme du troisième millénaire à un «réveil spirituel» (Joseph Ratzinger, dit Benoît XVI). Le réveil spirituel est une sorte d'euphémisme pour une nouvelle évangélisation. Il suffit d'y ajouter une distanciation au retour en force du capitalisme (pudiquement appelé mondialisation) que l'on amalgame perfidement au matérialisme, on misera sur les craintes écologiques, et l'on obtient la proposition suivante: la modernité ne peut que nous nuire, avec le corrolaire que seule la spiritualité (et donc la religion?) peut nous sauver.
Discours habile, car en affirmant que l'homme risque d'être victime des succès mêmes de son intelligence, sa sainteté donne dans l'anti-intellectualisme, tout en récusant par avance toute critique, et nous ressert l'antienne «science sans conscience n'est que ruine de l'âme». La religion comme salut est la base même du christianisme, et semble encore vouloir fonctionner.
AFP 25.12.05 - 12:15 Benoît XVI appelle l'homme du 3ème millénaire à un réveil spirituel Le pape Benoît XVI a appelé l'humanité du 3ème millénaire à un réveil spirituel sans lequel, a-t-il dit, l'homme "risque d'être victime des succès mêmes de son intelligence", dans son message de Noël adressé au monde du balcon de la basilique Saint-Pierre. Dans son premier message de Noël avant la bénédiction urbi et orbi, retransmis par une centaine de télévisions du monde entier, devant la place Saint-Pierre noire de monde, le pape a souligné que "l'homme de l'ère technologique risque d'être victime des succès mêmes de son intelligence et des résultats de ses capacités d'action s'il se laisse prendre par une atrophie spirituelle, par un vide du coeur", a-t-il averti. "Eveille-toi, homme du 3ème millénaire!", s'est-il exclamé. "L'époque moderne est souvent présentée comme une période du réveil du sommeil de la raison, comme la venue de l'humanité à la lumière", mais "sans le Christ", a-t-il ajouté, "la lumière de la raison ne suffit pas à éclairer l'homme et le monde".
Et pourtant…
Benoît XVI sera peut-être déçu en prenant connaissance du rapport sur le volet belge de l'European Values Study paru en 2012 (enquête 2009), qui ne décrit pas vraiment un retour du religieux: depuis les débuts de son prédécesseur Jean-Paul II, la croyance en un Dieu personnel n'a cessé de reculer en Belgique, pays qui est loin d'être original parmi ceux d'Europe occidentale…