Critique et analyse textuelle sans concessions d’un rescapé de la Torah — Histoire et archéologie

Page originelle de Yaacov Levy

IntroductionPréambuleHistoire et archéologieSources de la Torah

Écritures
David et Salomon
Amorrites / Amorréens

À l’époque où j’étais certain de la véracité de la Torah, je m’étais mis en tête d’apporter certaines preuves qui puissent être irréfutables aux yeux de ceux que je voulais convaincre de cette véracité. En quête de logique, de précision, d’objectivité: ce fut l’inverse qui se produit.

Écritures

La recherche sur l’écriture comme outil de démonstration est partie de deux postulats. Le premier: «L’écriture sacrée correspondant au verbe par lequel le monde fut prétendu créé, est la plus ancienne qui soit». Le second: «Un sefer Torah est par définition, non modifiable et ainsi infalsifiable, donc identique à l’original». Non modifiable, en vertu du fait que pour qu’un nouveau livre soit validé et accepté, il doit être recopié d’un précédent lui-même reconnu valide et accepté. Lettre pour lettre, emplacement pour emplacement, point pour point, un talion littéraire, sans quoi la moindre erreur de calligraphie, le moindre oubli, invalide tout le rouleau.

Les règles de fabrication garantissent donc en théorie une transmission identique infaillible. Ainsi, si l’on remonte de rouleau en rouleau nous aboutirions au premier rouleau: celui de Moïse. Ce rouleau date d’après la Torah elle-même, de la veille de l’invasion de Canaan communément appelé, l’entrée en terre promise. Cette même Torah permet de dater avec précision le moment de survenue des évènements[1]: il s’agit de l’an 2488CH[2]/1273AEC[3]. Selon ce même référentiel de datation, et l’affirmation de la Torah que le monde a été créé il y près de six millénaires[4], ayant été créé par et pour l’hébreu, cette langue et son système graphique devrait donc être les premiers. Ensuite, ce système linguistique et typographique n’eût pu qu’être utilisé qu’avec constance dans toutes les rédactions liées au thème. Ainsi l’hébreu d’un sefer torah actuel ne devrait pas différer de l’hébreu du premier livre de Moïse, des textes qui ont suivi en accord avec l’hébreu primordial de la création du monde.

La recherche me conduit donc vers le premier système d’écriture recensé qui ne pouvait être que l’hébreu. Combien fut ma surprise et mon indignation de ne trouver que… le cunéiforme! Cunéiforme: du latin cuneus, «en forme de coin». Coin utilisé pour son marquage sur des tablettes d’argile. Son apparition est connue en Mésopotamie aux environs du XXXIIIeAEC, vers -3300. La langue associée y est l’akkadien.

J’en fus donc outragé et indigné. Outragé et indigné par l’ignorance et la mauvaise fois négationniste des historiens. Rien d’autre que l’hébreu ne pouvait être le système linguistique et typographique primordial. Et pourtant…

Alors que le monde créé par le verbe de la langue sacrée, l’hébreu l’a été avant 3700AEC, le cunéiforme et l’akkadien, datés de 3300AEC étaient donc ultérieurs. Je ne savais pas où situer la rancœur que j’éprouvais à l’encontre des historiens pour cette infamie située entre ignorance et ignominie. Au final, l’hébreu créateur du monde pouvait très bien avoir été réservé pour la loi qu’il supportait: la Torah. Tout rentrait dans l’ordre. Laissons à d’autres peuples primitifs l’invention de l’écriture aux yeux du monde et réservons la nôtre dans sa dimension humaine à ce qu’elle est censée apporter à l’humanité: la Torah. Une fois transmise et avec elle l’hébreu révélé, il sera enfin utilisé allègrement et ouvertement. Je remontais donc l’histoire de l’écriture sans aucun doute sur le fait de trouver l’hébreu apparaître dès le moment du don de la Torah en 1273AEC.

Périodes de l’évolution vers l'écriture hébraïque: protocananéen, 2000-1500 AEC; protosinaïtique, 1500-1200 AEC; protohébraïque, 1000-500 AEC; araméen 500-…; l’écriture commence à prendre sa forme carrée vers 300 AEC, Moïse ne peut avoir écrit de cette façon.
L’hébreu avant l’hébreu!

J’établis une table de succession des systèmes d’écriture, pour la région qui nous intéresse faut-il le préciser. Je tombe sur un constat effarant: l’hébreu prétendu ne commençait à se dessiner qu’avec un millénaire de décalage. Un millénaire… comment a-t-on reçu la Torah en hébreu alors qu’il balbutiait encore mille ans plus tard? Il me fallait une comparaison graphique directe. Cette comparaison s’appuie sur des projections graphiques charnières, connues et datées, antérieures au sefer Torah actuel.

Un document datant de mille ans, le Codex d’Alep confirme l’usage de l’hébreu. Le Codex d’Alep est simplement une version de la Torah à laquelle à été ajouté pour la première fois les cantilations et les vocalisations. Les cantilations sont les intonations à donner à la lecture. La vocalisation est l’adjonction de «voyelles» au texte, qui ne comprend à la base que des consonnes, par le biais de signes ponctuées appelées nekudot, «points».

Ainsi, tant que cette vocalisation n’est pas définie, de multiples lectures du texte sont possibles. Tentons de fournir un exemple en transposant le système au français avec des caractères latins. Pour coller à la logique de l’hébreu, il nous faut ajouter un caractère «joker», qui peut prendre la forme de n’importe qu’elle voyelle, que nous symboliseront «#». Posons un verset brut: «# cmmncmnt d# cr# l c#l t l trr».

Dans le contexte donné, on attribue à ce verset le sens de «Au commencement dieu créa le ciel et la terre». D’autres lectures sont possibles, et hors contexte: «Eu commencement ; du cru, il cloua et il tarera.» Afin d’éviter des dérives, des pertes ou des conflits sémantiques, voire des interprétations grotesque telles que le montre notre exemple, il fallut donc cristalliser le texte.

C’est de ce texte cristallisé que Moïse Maïmonide (1135-1204) fixera les règles précises et définitives des modalités de fabrication et de rédaction des rouleaux. Ainsi, contre toute croyance admise ou colportée, les rouleaux de la Torah ne se dupliquent pas depuis Moïse Levy le prophète il y a 3300 ans, mais seulement depuis Moïse Maïmonide le rabbin depuis moins de 800 ans. Le plus ancien rouleau de Torah encore valide et utilisé a moins de 600 ans[5].

Quatre étapes de l’écriture hébraïque: 1. Inscription de Siloé, VIIIe AEC; 2. Manuscrit de Qûmran, IIIe AEC; 3. Codex d’Alep, 1000 EC; 4. Sepher torah contemporain - l’écriture ne commence à devenir carrée qu’en 300 AEC, pour s’affirmer au moyen âge

L’hébreu du Codex d’Alep présente des variations avec l’hébreu actuel, alors que selon la théorie, il ne devrait y en avoir aucune. Si je faisais écrire un rouleau de Torah avec ce style d’écriture, il serait déclaré non conforme. Poussant plus arrière dans l’histoire, on en vient aux fragments de papier porteur d’un hébreu carré suffisamment proche de l’hébreu actuel pour être lisible et recevable sous cette définition: les manuscrits de Qûmran[6] ou manuscrits de la Mer Morte. Ces manuscrits sont les plus vieux fragments connus de textes constitutifs du Tanakh[7]. À ceci près que ni l’écriture ni l’ordre ou le contenu des fragments, ne concordent.

Toutefois, ce style typographique présente de moins en moins de similitudes avec le style actuel. Il est possible de s’en remettre à des inscriptions antérieures, attribuées et daté avec certitude de l’époque d’un monarque israélite. J’espérais à ce titre pouvoir m’appuyer sur les masses colossales de productions épistolaires administratives, militaires, diplomatiques des puissants empires de David et Salomon. Leur règne étant supposé avoir eu lieu aux alentours de 1000AEC.

Mais là encore, une surprise m’attendait. Aucune trace de quoique ce soit qui porte ne serait-ce qu’un infime caractère d’hébreu, écrit durant les règnes de ces rois, n’a été retrouvé. Mieux encore, aucun caractère de quoique ce soit, ni de phénicien, ni d’araméen, n’a été émis par ces royaumes. Il a donc fallu se contenter d’une autre référence. Cette référence n’est autre que l’inscription de Siloé, trouvée dans tunnel d’alimentation en eau à Jérusalem. Le monarque en question est Ézéchias, lointain successeur de David et Salomon, qui aurait régné sur le royaume de Juda de 716 à 687AEC.

Cette fois ci, l’hébreu prétendu est très loin d’en être. S’il est appelé par certains historioptimistes «paléo-hébraïque», l’essence de l’alphabet employé est tout autre. Il ne s’agit ni plus ni moins que du phénicien[8]. Quand bien même les précurseurs aurait écrit quelque chose, ça n’aurait pas été de l’hébreu. Cette comparaison allait corroborer ce que révèle l’histoire de l’écriture elle-même. L’hébreu n’existait pas au moment de la rédaction prétendue du premier rouleau par Moïse.

L’évolution des écritures n’étant jamais régressives et l’hébreu reconnu comme tel n’ayant pas beaucoup plus de 2000 ans, il devient donc impossible d’écrire un texte dans une langue plus de 1000 ans avant son apparition. Si Moïse avait écrit quoique ce soit, ça n’eût pu être en hébreu. Du fait que le document actuel qu’est la Torah est attribué à Moïse cité dans le texte lui-même, est présenté en hébreu, il n’a donc jamais pu être rédigé par Moïse, qui n’est alors qu’un personnage de fiction.

[1] Cf. Annexe I: datation comparative des évènements liés au récit.

[2] CH: Calendrier Hébraïque.

[3] AEC: Avant l’Ère Courante. 1273AEC équivaut à 1273 av. J.C. ou -1273. Parallèle à EC: Ere Courante/ap. J.C.

[4] 2010EC correspond à l’an 5770CH. Le monde est prétendu créé en 3761AEC.

[5] «Un sefer torah des plus anciens à la synagogue Abuhav de Tsfat» 23 septembre 2011, magazine terredisrael.com. En ligne: www.terredisrael.com/infos/?p=26262 (consulté le 23.11.2011)

[6] Conservés par le “Israel Museum” de Jérusalem. Consultation en ligne: dss.collections.imj.org.il/ (.en, consulté le 23.11.2011)

[7] Tanakh: תנ״ך en hébreu. Acronyme de Torah-Neviim-Khetouvim, soit «Pentateuque-Prophètes-Hagiographes».

[8] Briquel-Chatonnet, Françoise et Eric Gubel, «L’alphabet phénicien», Liban, l’autre rive, Flammarion, IMA, 1998.


David et Salomon

La quête de l’avènement de l’hébreu a mis à jour un écueil de taille à propos des monarchies davidiques.

Comme déjà évoqué, aucun écrit n’émane des royaumes de David et Salomon. Absolument rien! Pas même une petite note de service. Considérant qu’il est impossible d’administrer un royaume aussi structuré, organisé et étendu que celui qui est décrit, sans administration, cela génère un sérieux doute concernant leur règne et de leur existence même. Il n’y a que trois possibilités, en guise de réponse à cette énigme.

1. une intervention divine a effacé toute les traces écrites des administrations davidiques et salomoniques. Cette intervention divine aurait aussi effacé les archives et les correspondances des royaumes alentours à l’époque présumée de leur règne. En effet, dans tous les royaumes contigus dont on connaît l’existence en vertu des vestiges archéologiques et administratifs qu’ils ont laissés, puisqu’administrés, on ne trouve pas une seule trace épistolaire. L’intervention divine aurait donc effacé toute trace de correspondance, en ne laissant qu’une seule trace lapidaire. La seule trace gravée, et non encore d’un «David» mais uniquement d’une «maison de David», se trouve sur la Stèle de Tel Dan datée des IXe-VIIIeAEC.

Cette stèle est un monument commémoratif d’un roi Assyrien concernant la mort des rois d’Israël Yoram et A’hazyahou de la maison de David… La seule trace archéologique lointaine sur David est l’épitaphe de sa «Maison». Dès lors, le recours aux archéologues devint vital pour éclaircir le mystère. Il nous faut donc les meilleurs, les plus spécialisés, les plus objectifs, les plus récents et si possible juifs et/ou israéliens. Je citerai donc Israël Finkelstein, professeur d’archéologie à l’université de Tel-Aviv et Neil Asher Silberman directeur historique d’un centre Belge pour l’Archéologie. De la conclusion de leurs travaux sera publié l’ouvrage La Bible Dévoilée. Leurs conclusions sur le sujet sont des plus claires.

«L’unique preuve archéologique qu’il y eut jamais une monarchie unifiée régnant à partir de Jérusalem s’envole en fumée ; cela sous-entend que, politiquement, David et Salomon ne furent guère que des chefs de clan dont le pouvoir administratif, local, s’étendait uniquement à la région montagneuse qu’ils contrôlaient.», p288.

«La lecture attentive de la description biblique du règne de Salomon démontre clairement qu’il s’agit de la peinture d’un passé idéalisé, d’une sorte d’âge d’or, nimbé de gloire.», p201.

«Malgré la tenace affirmation d’une cour salomonique cultivant de belles-lettres, l’histoire et la philosophie religieuse, nous ne possédons aucun signe d’alphabétisation étendue dans le territoire de Judah à l’époque de la monarchie divisée.», p352.

L’ensemble de l’enquête archéologique et des investigations scientifiques portent sur l’ensemble du récit. Les diverses conclusions et réalités scientifiques seront rappelé à chaque moment opportun du vif de notre sujet, qui approche. Ce sujet n’est autre que celui des conclusions archéologiques modernes:

«S’il n’y pas eu de patriarches, ni d’Exode, ni de conquête de Canaan – ni de monarchie unifiée et prospère sous David et Salomon –, devons-nous conclure que l’Israël biblique tel que nous le décrivent les cinq livres de Moïse, et les livres de Josué, des Juges et de Samuel, n’a jamais existé?», p196.

Même si la conclusion est formulée à la manière d’une périphrase interrogative, afin d’en atténuer l’impact, elle nous met face à une réalité brutale. Élégante euphémisation du fait que tout soit faux, incluant donc les différentes divinités décrites. L’archéologie, en déterrant la vérité, a enterré la crédibilité des affirmations faites par le texte et par là même de tout ce qu’il décrit. Le fait qu’un dieu ait transmis sur une montagne un amalgame de données à un prophète n’était qu’un conte, non pas de fée, mais un conte de foi.

La perspective d’une rédaction humaine avait pourtant été mise en lumière plus avant. De nombreuses démonstrations concernant un développement documentaire ou fragmentaire avaient été mis en avant, d’abord dès la fin du XVIIIe siècle par un exégète français, Jean Astruc[1].

Puis nombres d’autres analystes ont développé les modèles qui éprouve concrètement et catégoriquement l’homogénéité et donc la crédibilité du texte. Un des modèles formant fournissant une base critique on ne peut plus probante est celle de Julius Wellhausen[2], théologien allemand du XIXe. Sa présente révèle que le pentateuque, est une composition issue de quatres sources distincte: Yahviste, Elohiste, Deutéronomiste et Sacerdotale. Hormis quelques variantes et considérations complémentaires, les derniers développements de la recherche sur le Pentateuque, prouvent que le principe démontré par l’hypothèse documentaire est juste, et qu’ainsi les livres de Moïse ne sont pas de Moïse, qui n’a donc absolument rien reçu d’aucun dieu quel qu’il soit.

La conséquence d’une telle déconvenue au sujet du texte de base et de référence de la foi juive, donc la mienne que je veuille ou pas, au sujet du dieu des juifs, donc mon dieu, que je le veuille ou pas, m’imposait une relecture détachée et objective de ce qu’il contient. Ainsi naquit une version et une vision différente d’un juif sur Son texte à propos de Son dieu.

[1] Astruc, Jean. Conjectures sur les mémoires originaux dont il paroit que Moyse s’est servi pour composer le livre de la Genèse, Bruxelles, sans nom d’auteur (1753). Réédité sous le titre Conjectures sur la Genèse, introduction et notes de Pierre Gibert, Noêsis, Paris, 1999.

[2] Wellhausen, Julius. Prolegomena to the History of Ancient Israel [ Prolegomena zur Geschichte Israels ]», Wipf & Stock Publishers, 1878 (réimpr. 2003).


Amorrites / Amorréens

Les références concernant les amorrites sont sumériennes qui les signalent sous le nom de martu (sumérien) et amurrû (akkadien). Leur apparition est située aux alentours du IIIe millénaireAEC, dans la région qui correspond à l’actuel sud de la Syrie. Les amorrites sont par exemple cités dans les textes d’Ebla datant du XXIVeAEC. Leur migration vers la Mésopotamie induira des confrontations régulières et problématiques aux royaumes mésopotamiens de l’époque, jusqu’aux environs du XXeAEC. Cette époque fut celle de leur domination régionale partielle et de leur installation dans les grandes cités régionales de Babylone d’Alep, à Uruk, pour ne citer qu’elles. Ils disparaîtront à cause des incursions hittites au début du XVeAEC. Ainsi toute référence aux amorrites à partir de l’exode faite dans le ‘houmash sont fortuites et anachroniques. L’exode et les évènements suivants sont prétendus avoir eu lieu au milieu du XIIIeAEC.