Rumeurs à propos des logiciels libres
CHACUN connaît le phénomène de la rumeur, information invérifiable qu’on est tenté de croire bien qu’une recherche simple et critique permettrait de l’invalider facilement. La paresse, l’envie de croire et de partager une information… peuvent expliquer le développement et la persistance d’une «information» qui aurait pu être écartée après un simple examen.
Comme il s’agira ci-dessous de logiciels libres, il faut rappeler qu’un logiciel est qualifié de libre s’il est possible
- de le copier, de l’installer et de l’utiliser sans restriction ;
- d’en étudier les sources, à savoir le programme écrit par l’humain avant sa transformation en code spécifique à la machine ;
- de modifier les sources pour adapter le logiciel à d’autres besoins ;
- de le redistribuer en rendant disponibles les nouvelles sources.
Comme exemple de pérennité du logiciel, prenons le cas d’OpenOffice :
Oracle achète le 27 janvier 2010 l’entreprise informatique SUN, qui détient la marque OpenOffice.org, dont la suite bureautique est distribuée sous licence libre.
La Communauté OpenOffice se détache d’Oracle le 28 septembre 2010 pour créer The Document Foundation. Oracle ne voulant pas lui céder le nom OpenOffice.org, The Document Foundation reprend les sources de la dernière version, pour continuer le projet de son côté sous le nom LibreOffice.
Quoi qu’il arrive à un projet libre, il est toujours possible d’en reprendre la dernière version libre et la développer sous un autre nom, en mentionnant la parenté des développeurs précédents. Un logiciel libre ne disparaîtra donc qu’en absence d’intérêt de la part de la communauté de développeurs.
1. «Linux a été racheté»
2. «Microsoft a racheté FireFox»
3. «Facebook veut racheter Ubuntu pour 3 milliards de dollars»
4. «Microsoft propose maintenant Linux sur les serveurs Azure»
1. «Linux a été racheté»
Origine possible : le rachat de la distribution SuSE par Novell en 2003
Linux est en fait le nom du noyau, dont la fonction est notamment de gérer les périphériques et de lancer les logiciels. Linux est un logiciel libre, et même si le nom était racheté (?) par une société désirant le commercialiser, sa dernière version resterait libre et pourrait continuer à être développée sous un autre nom.
Le noyau Linux n’a qu’un intérêt limité à fonctionner tout seul ; il doit être accompagné d’outils, fournis par la communauté GNU, et en général de logiciels les plus divers dans un tout cohérent. C’est un travail que plusieurs associations (Slackware, Debian, Fedora, Ubuntu, LinuxMint, Arch, Mageia…) ou sociétés commerciales (Red Hat, SuSE…) fournissent, gratuitement ou non (libre ne veut pas nécessirement dire gratuit). Une distribution GNU/Linux intègre le noyau Linux, les outils du système et les logiciels.
Pour offrir un système intégré de système de réseau (où les Unix, dont GNU/Linux, excellent), l’entreprise Novell a racheté la distribution commerciale SuSE, en vue d’économiser une licence propriétaire. Mais le noyau Linux ni la grande majorité des applications l’accompagnant n’appartenant pas à SuSE, Novell n’a pas pu «racheter Linux».
2. «Microsoft a racheté FireFox»
Source : un canular récurrent (au moins depuis 2006)
FireFox est le projet libre issu du don des sources du navigateur Netscape à la communauté libre, qui a pris le nom de Mozilla et qui a distribué son navigateur sous le nom de Firefox. Il faudrait être idiot pour acheter Mozilla, «non profit organization» ou la marque FireFox en sachant que sa dernière version libre peut toujours servir à relancer un navigateur sous un autre nom.
Certaines versions font état d’un coup en bourse, ce qui n’est possible que pour des sociétés d’actions, ce qui n’est pas le cas de FireFox.
3. «Facebook veut racheter Ubuntu pour 3 milliards de dollars»
Source : Business Insider
Facebook, qui a toujours soutenu les logiciels libres (!), aurait besoin d’un système d’exploitation pour le lancement de son smartphone. Premièrement, il n’est pas nécessaire de racheter un système d’exploitation pour l’utiliser, il suffit de s’accorder sur les royalties à verser au propriétaire. Deuxièmement, dans le cas d’un logiciel libre, les royalties ne sont même pas nécessaires : c’est d’ailleurs pour cela qu’Android a adapté le noyau Linux aux smartphones.
Certains sites se contentant d’indiquer «References : Business Insider» sans le lien, il fallait chercher un peu pour se convaincre du canular. Mais la page April’s Fools Day en a supprimé l’information.
4. Microsoft propose maintenant Linux sur ses serveurs Azure
La méconnaissance de l’informatique libre, éventuellement associée à la mauvaise foi de certains de ses détracteurs, facilite la propagation de ces rumeurs.
La mauvaise foi ne vient pas toujours des anti-logiciels libres : une rumeur persistante affirme que Microsoft propose depuis 2015 Azure Sphere OS, une distribution censée intégrer Linux, alors que Steve Ballmer, CEO de Microsoft de 2000 à 2014, avait qualifié la GPL (la licence libre utilisée pour le noyau Linux depuis 1991) de cancer contaminant la propriété intellectuelle. Quelques sites continuent pourtant à propager cette rumeur : www.extremetech.com, arstechnica.com, www.forbes.com, www.zdnet.com, www.pcworld.com, www.digitaltrends.com… et bien évidemment en.wikipedia.org !
Microsoft n’en parle pas sur la page d’accueil d’Azure OS, sachant qu’il est contre-productif de démentir une rumeur. Mais des petits malins sont parvenus à s’introduire sur le site (probablement mal sécurisé) pour y déposer une page «confirmant» la rumeur. Et comme pour la majorité de ses bogues, Microsoft tarde à réagir.
Cette dernière «rumeur» n’en est pas une.
Après avoir lutté avec grande mauvaise foi
contre Linux (Fear - uncertainty - doubt),
Microsoft propose (entre autres systèmes)
GNU/Linux sur ses serveurs et contribue
à ce titre à l’écriture du noyau LinuxSurvolez-moi